31 janvier 2006

Les Jardins ouvriers

Sur la tombe de l’Abbé Lemire
« Je ne suis pas né pour l’opposition quand même, pour l’aigreur, pour la haine, pour les rancunes, et volontiers je répète le vieux mot d’Antigone, qui est un mot humain : Je suis né pour chercher les choses qui unissent et non pour chercher celles qui divisent. »
L’Abbé LEMIRE lui-même s’était défini par ces mots, à la tribune de la Chambre. Et la bonté de son regard clair, la mélancolie qui le voilait parfois devant les difficultés de cette grande tâche, le sourire qui faisait passer sur les traits si marqués de son visage le reflet de son âme aimante, tout cela – mieux encore que le vieux mot d’Antigone – le définissait chaque jour. Unir, réconcilier,. Toute son œuvre sociale et politique est là.
C’est par l’œuvre sociale qu’il avait commencé. Quand il se présenta, pour la première fois, à ses électeurs de Flandre, il leur demandait de travailler avec lui à défendre la famille et, à lui donner son « vêtement de pierre », la maison, à lui donner les quelques ares de terre nécessaires à son enracinement. Fils de paysans, s’adressant à des paysans, à des ouvriers, à de modestes gens, il symbolisait leurs aspirations vers une vie mieux défendue contre les coups du sort. La politique lui paraissait surtout « l’art de rendre la vie commode et les peuples heureux », et il voulait unir les Français dans l’effort de tous pour réduire les misères et les injustices dont souffrent ceux qui n’ont pas, pour se défendre, le rempart de leurs biens.
Jeune professeur, pour se mettre mieux à l’école du Cardinal MANNING, il en avait écrit la vie. Dans l’Encyclique Rerum Novarum, il retrouvait toutes ses propres pensées. Son œuvre législative n’a été que l’application incessante des principes rappelés par Léon XIII. Et depuis son entrée à la Chambre, son nom est inséparable de l’œuvre sociale de la 3ème République. Nous nous permettons de renvoyer nos lecteurs à l’article de M. le Chanoine BIROT, dans la Vie Catholique. Toute l’œuvre sociale de l’Abbé LEMIRE s’y trouve magnifiquement rappelées.
Mais la vie parlementaire devait bientôt révéler à l’Abbé LEMIRE que l’œuvre de conciliation et de réconciliation n’étaient pas moins nécessaires dans l’ordre politique que dans l’ordre social. Il nous disait un jour comment de « député social »il était aussi devenu « député politique ». Il avait aperçu bien vite que la France ne retrouverait pas son équilibre tant qu’une inimitié apparaîtrait comme fatale entre le catholicisme et la république. Une équivoque oppressive plaçait à droite les ennemis du régime et les défenseurs des libertés religieuses – à gauche, les adversaires de ces libertés et les républicains. Il fallait la briser pour rétablir la paix.
Comme il aimait les gestes symboliques, en 1910, après sa réélection, il choisit sa place sur les bancs de la gauche. Et son journal « Le Cri des Flandres » du 23 juin 1910, nous donne à ce sujet toute sa pensée : « M. l’Abbé LEMIRE, en siégeant à gauche et en affirmant comme il l’a fait ses convictions religieuses et sa volonté de rester toujours uni de toute son âme à l’Eglise, aura contribué puissamment à dissiper le malentendu entre la République et le Catholicisme ; les républicains qui applaudissaient hier le geste de M. l’Abbé LEMIRE seront forcés d’admettre que désormais, s’il y a des catholiques adversaires des idées républicaines, il y en a qui sont sincèrement républicains et démocrates.
« D’autre part, les catholiques qui confondent, hélas, si aisément la République avec ceux qui la déshonorent par leur sectarisme si contraire à l’esprit républicain reviendront peu à peu de leur pernicieuse erreur…
« L’Abbé LEMIRE à gauche est comme un exemple lumineux de l’accord harmonieux des convictions religieuses et de l’opinion vraiment républicaine. »
Il en coûte toujours de déranger certaines habitudes de pensée et les intérêts qui y trouvent leur compte. L’Abbé LEMIRE l’éprouva bien des fois. Et l’on croît rêver lorsqu’on relit certaines des attaques qui lui furent prodiguées. « Donnez-moi trois lignes d’un homme et je le ferai pendre. » Le conseil n’a pas été perdu. Que de fois, détachées de leur contexte, on fit passer trois mots de l’Abbé LEMIRE en criant à la trahisons. Replacés dans leur ordre, les mots redevenaient des vérités élémentaires, des paroles de bon sens, mais, parmi les lecteurs dupés par ces attaques, qui donc prenait ce soin ?
L’abbé LEMIRE ne s’en irritait guère. « J’ai l’habitude – disait-il un jour à la Chambre – d’entendre certaines critiques et ce n’est pas d’aujourd’hui que, dans un certain journal, une dame disait : Cet abbé-là doit être franc-maçon ! Oui, Madame, ce n’est que trop vrai, il l’est, ajoutait le rédacteur en chef. »
Mais l’Abbé LEMIRE ne cédait pas. Car si ses yeux étaient toute douceur, son visage avait les traits de la plus persévérante énergie. Visage de Paysan des Flandres, sculpté par les épreuves et le labeur et dont le regard, au-delà des hivers, voit toujours la promesse des printemps.
Dans son œuvre si difficile de conciliation, l’Abbé LEMIRE était à la fois servi et desservi par sa bonté native, sa confiance, son optimisme. L’homme politique n’est pas naturellement bon et il n’est pas besoin de la société parlementaire pour lui enlever une candeur qui n’est pas souvent son fait. Quand il aime, c’est fréquemment contre quelqu’un et l’objet de sa sympathie lui importe peut-être moins alors que celui de son inimitié. Ce doit être en vue des assemblée politiques qu’il a été conseillé de défendre la simplicité de la colombe par la prudence du serpent… Peut-être, dans son effort de rapprochement, l’Abbé LEMIRE avait-il parfois tendance à négliger quelque peu les méfiances opportunes. Peut-être aussi son langage aux arrêts fermes n’a-t-il pas permis, dans des situations parfois bien nuancées, d’éviter toute apparence de raison à certaines critiques. Peut-être enfin négligeait-il parfois de maintenir suffisamment la liaison avec ceux qu’il souhaitait éclairer et entraîner. C’est le risque constant de l’avant-garde de se laisser couper du reste de la troupe… Aucune des agressions dont il fut victime n’en est excusée. Mais peut-être certaines incompréhensions en sont-elles plus compréhensibles.
Si les attaques ne lui manquaient pas, l’Abbé Lemire avait d’ailleurs, pour les compenser, l’attachement indicible des foules populaires. Quand il parlait dans les réunions des Jardins Ouvriers, d’un langage si vivant un peu martelé parfois, soudain chantant, traversé de grandes envolées, puis redescendant à des interpellations brusques de tel ou tel, les yeux rayonnaient autour de lui. Il était bien, suivant le mot d’Alfred REBOUX, Directeur du Journal de Roubaix, qui fut son fidèle ami « la soutane la plus populaire de Franceé. Et, au lendemain d’une élection, un socialiste de Roubaix disait que la journée avait été bonne parce que Jules GUESDE… et l’Abbé LEMIRE avaient été réélus !
Dans le Parti Démocrate Populaire, l’Abbé Lemire aimait à saluer le jeune héritier de tous les espoirs. Appartenant à une génération presque au bout du chemin, il n’avait pas cru devoir se mêler à ces bataillons nouveaux. Mais il les aimait. Et dans la petite chambre d’hôpital où, gravement malade en 1926, il avait préparé les élections partielles du Nord, il nous disait : « Vous êtes mes successeurs et ce qui me reste de force est à votre service. »
Pour achever d’esquisser ses traits, il faudrait pouvoir dire à quel point l’Abbé LEMIRE était l’homme du Coin de terre, de la Cité, de la Famille, expliquer aussi certaines de ses résistances à des réformes dont il craignait qu’elles ne diminuent leur force.
Son attachement au scrutin d’arrondissement alors que, dans le département, il était, à chaque élection, plébiscité, n’avait pas d’autre cause. Le député c’était, pour lui, le « représentant » du milieu où il vivait et il disait un jour combien l’expression belge « La Chambre des Représentants » lui semblait plus exacte que la nôtre. Ici encore, c’est l’homme de la Terre, l’homme du Peuple, qui parlait.
Une paysanne des Flandres aura toujours quelque tendance à préférer la part de MARTHE à celle de MARIE. L’aménagement de la maison et la préparation du repas seront toujours parmi les meilleurs de ses devoirs et de ses joies. La défense de la circonscription toute entière – bêtes et gens – paraissait à l’Abbé Lemire un rôle essentiel. Il ne dédaignait pas les grandes idées et il les a admirablement servies. Mais il aimait à les défendre dans son cadre, dans son milieu, devant des témoins et à ne pas négliger le souci de leurs intérêts légitimes. L’homme ne vit pas seulement de pain mais il ne peut s’en passer…
Son attachement à la famille traditionnelle, qu’il chantait avec des accents de poète quand il la montrait dans ce jardin que tant d’elles lui doivent, le conduisait à repousser le suffrage féminin. MARTHE, toujours… Il faisait un jour remarquer que les nations latines sont les plus rebelles au suffrage des femmes et il les en louait. Peut-être aurait-on pu lui répondre que c’était, au contraire, une fâcheuse survivance du droit romain. Mais on ne l’aurait pas convaincu. C’est encore un mot de lui dans l’un de nos entretiens : « Vous m’avez éclairé, mais non pas convaincu. »
L’union, la conciliation, la réconciliation qu’il avait rêvées, qu’il avait servies, ses funérailles ont montré combien, malgré tant de difficultés, il avait fini tout de même par les réaliser. Derrière le prêtre qui portait les insignes de son sacerdoce, les délégués du Président du Conseil et du Ministre des Affaires étrangères, deux anciens ministres tenaient les franges du voile funèbre. Et, quelques jours après, à Notre-Dame, la voix éminente du Cardinal Archevêque saluait la grande mémoire de ce prêtre fidèle à l’éternelle Eglise et qui avait été, à un tel point, un français de son temps.
Ainsi, jusque dans la mort, l’Abbé LEMIRE continuait l’enseignement de sa vie.
Victor Diligent, Discours et extraits, S.I.L.I.C. Imprimerie de l’Evêché et des Facultés Catholiques, Lille, 1932

26 janvier 2006

Lettre à Henri Parisot

Chihuahua 194.
Cal. Roma. Mexico D.F.
Cher Henri, merci de votre lettre - Je suis d'accord qu'on publie En Bas MAIS croyez moi qu'il n'y a eu aucune « mal entendu » entre nous - Vous n'avez peut-être pas compris mon irritation que je ressent encore, Je ne suis plus la jeune fille Ravissante quia passér par Paris, amoureuse -
Je suis une vieille dame qui a vécu beaucoup et j'ai changée - si ma vie vaut quelque chose je suis le résultat du temps - Donc je ne reproduirais plus l'image d'avant - Je ne serait jamais pétrifiée dans une « jeunesse » qui n'existe plus - J'accpete l'Honorable Décrépidtude actuelle - ce que j'ai à dire maintenant est dévoilé autant que possible - Voir à travers Le monstre - Vous comprenez ça ? Non ? Tant pis. En tout cas faites ce que nous voulez avec cette fantôme -
avec le condition
que vous publiez
cette lettre comme préface -
Comme une vieille Taupe qui nages sous les cimitières je me rends compte que j'ai toujours étais aveugle - je cherche a connaître Le Mort pour avoire moin peur,je cherche de vider les images qui m'ont rendus aveugle -
Je vous envoie encore beaucoup d'affection et je vous embrasse a travers mon Ratelier (que je garde a côté de moi la nuit dans une petite boite bleu ciel en plastic)
JE N'A PLUS UNE SEUL DENT
Leonora
P.S. Si les jeunes me disent maintenant qui j'ai l'Esprit jeune je m'offence -
J'ai l'ESPRIT VIEILLE
Tachez de comprendre ça -
Ce texte de Léonora Carrington, initialement publié dans En bas, Losfeld, 1973, a été repris par Muriel Richard-Dufourquet dans l'anthologie X poètes au féminin, L'arachnoïde, 2005.

22 janvier 2006

15 janvier 2006

Cadavre grand m'a raconté

Pour approcher l'œuvre d'Ivar Ch'Vavar, avant de le rencontrer lors d'une prochaine soirée d'Escales des Lettres, à travers une critique précise et une polémique invraisemblable (quelle époque nondedieu), cliquer ici et ici et encore ici.