18 octobre 2003

Cecilan

Berghezeele, le 18 octobre 2003
Chère C. C.,
Au terme d'une longue enquête qui m'a entraîné, par delà plusieurs océans et de nombreuses mers, de Dunkerque jusqu'à l'île de Ceylan elle-même, j'ai pu recueillir quelques informations utiles sur le Cecilian.
Je passe sur les naufrages et les attaques de pirates barbaresques. Après avoir débarqué à Galle, tout en bas du renflement de cette île en forme de goutte d'eau, il m'a fallu traverser des jungles épaisses comme des fourrures, grimper sur des coteaux pentus et glissants, m'exposer aux intempéries, m'orienter dans une géographie diverse et heurtée. Les quelques images que je rapporte attestent de la beauté de ce voyage, et de ses difficultés. Je te remercie du fond du cœur de m'avoir incité à l'entreprendre, d'autant que le succès était au bout de la quête : j'ai retrouvé le Cecilian ! C'est bien dans la partie ouest du pays que se trouve cet aimable petit Garden, comme je me plais à l'appeler, usant du pidgin local. La récolte 2002 rappelle les Kennilworth, des voisins, comme mon intuition, doublée d'un pénétrant pouvoir d'observation, me l'avait fait supposer avant le voyage, à partir d'un demi-gramme de feuilles sèches. La liqueur est légère et sans amertume, particulièrement aromatique et vive. J'ai suivi le Cecilian de la cueillette à la préparation - flétrissage, roulage, fermentation, séchage, empaquetage - et jusqu'à l'embarquement à Colombo. Expérience inoubliable !
Pour une raison qui, là-bas, m'a échappé, il sera dorénavant difficile de s'en procurer en France, le Cecilian ayant disparu du catalogue D., sur lequel il se trouvait encore il y a peu.
Les dernières pluies de la saison s'éloignaient vers les sommets du nord-est, laissant des ciels de traîne bouleversant de beauté. J'avais eu la chance de traverser la moitié sud de l'île, passant entre la fin de la mousson de sud-ouest et le début de la saison chaude et sèche, à une période à peu près tempérée. Au bord des torrents rapides chargés de reconduire à la mer l'eau tombée en trombes tièdes, la vie s'affirmait dans une débauche de couleurs et de légèreté.