06 janvier 2008

Celui par qui le malheur arrive

Quand un désastre hors du commun fait la une de l’actualité, on découvre souvent après coup - trop tard - qu’un individu l’a en grande partie orchestré, concentrant entre ses mains un pouvoir exorbitant, exploitant soigneusement toutes les failles d’un système, abusant de la confiance de son entourage. Il est celui par qui le malheur arrive.

Le fiasco humanitaire de l’Arche de Zoé, piloté par Eric Breteau, illustre bien ce phénomène.

Mais souvenez-vous du désastre judiciaire d’Outreau et du rôle joué par le jeune juge d’instruction, Fabrice Burgaud. Souvenez-vous du naufrage de Vivendi Universal et de son capitaine Messier, en 2002.

On retrouve à chaque fois, chez celui par qui le malheur arrive une accumulation inquiétante de traits de personnalité psychopathiques.

Voici ce qu’on peut lire dans la presse à propos d’Eric Breteau :

« André Nicollo (...) se souvient aussi de son appétit de pouvoir, de son obstination implacable et de son talent pour écarter les rivaux : "On s’est vite aperçus que ce serait un chef de droit divin. (...) Quelques (familles) sont effrayées par l’esprit dominateur et le goût du secret d’Eric Breteau, mais la plupart sont séduites par son charisme..." » (Le Monde du 21 décembre).

« Il a menti à tout le monde, à l’OMS, à l’Unicef, aux militaires français, à l’UNHCR... Il ne leur disait pas qu’il allait évacuer les enfants, mais que son association était là pour une mission sanitaire de deux ans. Il n’arrêtait pas de dire : "En Afrique, tout s’achète." J’ai vite compris qu’Eric Breteau était dangereux. (...) Pour moi, Eric est un mégalo qui croit qu’il va sauver la Terre entière. C’est un inconscient qui a mis en danger nos vies, nos réputations de médecins, nos professions. Il nous a mis dos au mur, ainsi que les familles d’accueil. » (Le JDD du 4 novembre 2007)

Ailleurs, on le décrit comme « charismatique », « volontaire », possédant des dons de communicant, du bagout, un pouvoir de persuasion hors norme, des réseaux. On a parfois écrit à son propos que c’était un « gourou » et un « manipulateur ». De fait, il n’a pas hésité à tromper les autorités tchadiennes et françaises, à dissimuler ses véritables intentions au personnel local. Il a fait de la rétention d’information tout au long de son expédition. Son projet était grandiose ; il se percevait comme le sauveur. Durant son procès, il a étonné par son assurance, son arrogance, son absence de remords, la facilité avec laquelle il a rejeté la responsabilité sur ses intermédiaires ou le gouvernement français. Il n’a tenu compte des avis de personne parce qu’il était convaincu d’avoir raison. Envers et contre tous. A ses yeux, la fin justifiait les moyens.

Fabrice Burgaud aussi, avait raison, envers et contre tous. Il est resté sourd aux avertissements. Il a bricolé son instruction, comme pour se convaincre qu’elle tenait la route. Le jeune juge aux dents longues avait séduit sa hiérarchie par sa déférence, son respect, son amabilité. Il écœurait les justiciables par son arrogance, ses propos comminatoires, sa froideur, son absence d’empathie, son manque d’objectivité. Epris de pouvoir, il a refusé qu’un second juge d’instruction vienne l’épauler. Il a décidé du sort des accusés à la manière d’un Dieu. Alors qu’il était évident que son instruction le conduisait droit au mur, il n’a pas freiné. Au contraire, il a appuyé sur l’accélérateur pour obtenir cette promotion qu’il convoitait tant. Lorsqu’on lui a demandé des comptes, il a joué à la victime.

Jean-Marie Messier a d’abord séduit par son charisme, son assurance, sa rondeur, son aisance un micro à la main, ses promesses quasi-messianiques, son audace, son entregent. Avant d’inquiéter par sa mégalomanie, son goût du pouvoir, ses manipulations, ses mensonges, ses accès de paranoïa, ses promesses non tenues, son incapacité à prendre la mesure du danger. Les dernières illusions à son sujet se sont envolées lorsqu’il s’est efforcé d’empocher ce parachute doré que jamais - avait-il juré - il ne réclamerait.

Il est impossible de déterminer à partir de simples témoignages lus dans la presse si l’on a affaire à ce trouble psychologique qu’est la psychopathie. En revanche, on décèle nettement chez ces trois individus des tendances, qui ont manifestement joué un rôle primordial dans l’avènement de la catastrophe finale.

On compare parfois les psychopathes à des camions fous, lancés à toute allure, sans freins. Rien ne peut les arrêter. Rien, sauf un mur.

Il est temps d’éduquer notre regard à repérer ces traits psychologiques qui nous permettront de détecter celui par qui le malheur est susceptible d’arriver.

Plus on cumule de traits issus de cette liste, plus on possède de tendances psychopathiques.

Norbert Balcon

Note de l'auteur : le Pr Robert Hare, spécialiste canadien de la psychopathie, recense les caractéristiques suivantes pour définir ce syndrome : charisme, bagout, pouvoir de séduction et de persuasion (les psychopathes font souvent d’excellents gourous), narcissisme, arrogance, sentiment grandiose du soi, assurance inébranlable, mégalomanie, personnalité manipulatrice, agressivité, dévalorisation des autres, prise de risque insensée, incapacité à sentir le danger, refus d’endosser ses responsabilités, absence de remords pour les dommages causés ; appétit de pouvoir démesuré, facilité à mentir, à dissimuler, à tromper, faiblesse des scrupules moraux, labilité logique, malhonnêteté intellectuelle, artificialité des émotions, absence d’empathie, voire sadisme, indifférence pour le sort des autres qui sont perçus comme de simples choses, projection, tendances paranoïaques, etc.

Note DL : Vous en connaissez, vous, dans la vraie vie ?