04 mai 2007

Nous sommes coupables...

La réponse à Sarkozy de «repentis fatigués de la chienlit»
par Daniel COHN-BENDIT et Alain GEISMAR.

Nous sommes coupables...
(Piqué à Libération du 2 mai 2007. Dans le temps je disais Libé et je piquais chez Maspéro ou au Furet.)

Nous sommes coupables d'avoir fait souffler un vent de liberté et d'autonomie à la radio-télévision d'Etat d'alors ; ce que semble regretter Nicolas Sarkozy. Nous sommes coupables d'avoir rêvé d'autonomie et de démocratie dans les écoles, les universités et les usines. Coupables d'avoir désiré la justice et l'égalité au travail comme à la maison ; ce qui semble déranger Nicolas Sarkozy.
Nous sommes coupables d'avoir taillé une croupière à l'autoritarisme gaulliste, marxiste, communiste, syndical et patronal.
Nous sommes coupables de cette réalité d'aujourd'hui où les femmes et les hommes décident en toute liberté de leur corps, où les jeunes décident librement de leur contraception et où les femmes ont le droit de choisir de laisser naître un enfant ou pas. Visiblement, cela ne plaît pas non plus à Nicolas Sarkozy.
Nous sommes coupables d'un tas de conneries comme « CRS-SS ». Mais était-ce donc pire qu'un «Cohn-Bendit à Dachau !» entendu comme slogan à la grande manifestation gaulliste ? Nous sommes coupables du bêtisier révolutionnaire des « Vive Trotski ! », « Vive Che Guevara ! », « Vive Mao ! », autrement dit, des « Vive la révolution autoritaire ou totalitaire », « libertaire ou plébéienne ». Coupables, donc, d'avoir béatifié Marx ou Proudhon en ignorant Hannah Arendt et Albert Camus, mais aussi de n'avoir pas bien lu Jean-Paul Sartre.
Nous sommes génétiquement coupables d'un désir d'égalité, de solidarité et de liberté. Nous sommes génétiquement coupables de penser que le pouvoir n'est pas la propriété privée d'un homme ou d'une femme. Nous sommes génétiquement coupables de rêver d'une mondialisation écologiquement et socialement régulée. Nous sommes génétiquement coupables de croire que le kärcher ne résout rien et que la police ne peut pas tout.
C'est pour toutes ces raisons que nous décidons de créer un cercle des « enragés repentis fatigués de la chienlit » et que nous demandons à être rééduqués par le maître penseur de la révolution culturelle sarkozyste, André Glucksmann, en promettant de nous flageller publiquement et collectivement devant le siège de l'UMP. Et, puisque nous nous découvrons aujourd'hui responsables de la spéculation boursière et des parachutes dorés pour les grands patrons, nous convoquons, en vertu des droits à la propriété intellectuelle, une assemblée générale pour réclamer collectivement nos dividendes, qui financeront nos séances d'autocritique, de confession publique, de pénitence et d'humiliation. Nous voilà prêts à « passer aux aveux » au prochain congrès de l'UMP.
Nous savons que, libérés de notre culpabilité, nous pourrons nous épanouir à l'ombre du pouvoir de Nicolas Sarkozy. Ensemble, et sans tous ceux qui dérangent. Sous les pavés de notre honte, la plage...

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