10 octobre 2005

Les larmes de Guan Yin

Pour réussir le thé breton, il faut laisser l'inconscient, ce pilote de nos profondeurs, procéder par les effractions dont il fait, dit-on, un langage.
Au début, une bonne intention — mais on sait que l’enfer en est pavé. Et une gaffe.
La bonne intention : offrir du thé à L. Choisir le Tie Guan Yin pour évoquer tel voyage qu'il fît en Chine.
La gaffe : préparer le thé dans le respect scrupuleux de toutes les règles, de température, de dosage, de temps d'infusion, mais en négligeant la principale qui est de puiser soi-même l'eau à la source, celle-ci fut-elle une bouteille d'eau minérale.
Nous sommes assis, L., F. et moi, parmi les éléments, quelque part sur le cordon dunaire qui surplombe l’anse magique et sauvage de Roguennic. La mer respire selon son rythme lent, le vent de nord-ouest autorise le soleil à percer un ciel changeant comme une émotion instable.
Nous partageons le thé. La première gorgée ébranle ma raison et mes sens. Quel est ce goût de sel puissant et inattendu ? Illusion ou réalité ? D’où provient-il ? De ma tasse ? De la théière ? De l’air marin ?
L’étonnement des deux autres est furtif mais perceptible. Le thé est bel et bien salé.
Nous en rions, offrons à la dune le contenu de nos tasses et de la théière.
Mais le fait est là : ce thé salé, ce sont les larmes de Guan Yin.
Qu’il soit donc dédié à L., qui traverse l'épreuve de la terre gaste, à Cyann, qui éprouve la dislocation du corps social, à Béatrice, à Sophie, qui combattent chaque jour la douleur physique. Dédié à tous ceux qui souffrent, ceux du Cercle, amis, et ceux d'ailleurs, à tous les êtres vivants qui poursuivent leur chemin en éprouvant chaque jour la première des Nobles vérités. Le Bouddha de Compassion, parfois, pleure.

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