J’explore discrètement les alentours de ma grotte.
Personne ne vient jamais par ici ; aucune trace. Des amoureux, peut-être, pendant l’été ? Des filles plus ou moins en âge de se faire violer. Ces antiques murailles et ces taillis sont abandonnés à la végétation. L’extrémité ouest du plateau de Domme est totalement revenue à la sauvagerie. L’endroit reste dangereux, mais ne donne pas l’impression de tomber dans le vide, plutôt celle de planer au-dessus de petits bois très touffus. Ce coin perdu n’est pas sans un charme. De hautes herbes jamais fauchées, très anciennes, forment une douce prairie penchée vers la Dordogne.
Cette prairie m’enchante : en pente vive, en plein ciel au-dessus de la rivière et des bois.
Il me faudrait ici de lourdes pierres blanches composant un autel naturel où je brûlerai de l’encens, au soleil levant, à la gloire de l’Univers-Divin, quand la pluie cessera.
Comme je ne suis pas d’un caractère à attendre le beau temps pour établir, à l’ouest du plateau de Domme, un très discret sanctuaire, je me suis mis au travail. Un sanctuaire presque invisible. Que moi seul, je sache qu’il s’agit là d’un sanctuaire. Pas les gens qui passeront éventuellement par ici, et qui ne verront que quatre ou cinq pierres assemblées parmi les hautes herbes. Un sanctuaire insoupçonnable et connu de moi seul.
J’ai longtemps cherché de grands blocs immaculés, que j’ai finalement trouvés dans un charmant sous-bois. Les porter un à un sur la prairie fut un rude labeur, mais je n’ai pas ressenti de fatigue en raison de ma joie de me sentir déjà presque chez moi en ces lieux oubliés des humains, où j’ai bien l’intention de vivre dans la seule compagnie des oiseaux, des serpents. J’ai découvert un prodigieux champ de forces telluriques où je pourrai puiser à l’infini. J’ai non seulement ma caverne, mais encore une sorte de jardin à l’état pur et un autel primitif fait de plusieurs pierres d’un blanc immaculé. Je viendrai là quand je voudrai ; j’y vivrai dans le silence et la joie ; je descendrai jusqu’aux ultimes profondeurs de mon âme, je parlerai avec elle ; et j’adorerai l’Univers qui est Dieu.
François Augiéras, Domme ou L’essai d’occupation, Fata Morgana, 1982
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