Nous trouvons la route de Zuñi où nous arriverons vers midi.
Avant Zuñi nous nous arrêtons dans un comptoir d’échange, particulièrement bien achalandé. Acquisition d’un collier de fétiches zuñi pour l’anniversaire de Françoise. A cet endroit on vend de tout : épicerie, armes à feu, matériel de travail pour les artisans indiens (turquoises brutes, coquillages, outils de précision), bijoux, objets d’art…
RUGS - KACHINASLes Zuñis semblent réussir à se préserver : ce qui doit être protégé l’est (pas de photos, c’est clair, le règlement est affiché à l’entrée du pueblo). Ils donnent une impression de relative richesse. Leur production est plus artistique qu’artisanale. Ils ne vendent pas n’importe quoi. Nous cherchons si longtemps un endroit mystérieux, le cœur du pueblo, dont tout ce que nous savons c’est qu’il y est interdit aux blancs de descendre du toit, que nous y renonçons. Nous mangeons des ficelles de bœuf et des crêpes au maïs, des tamales.
JEWELRY & ZUÑI POTTERY
JOE MILO’S TRADING COMPAGNY
12 Miles South of Gallup on Highway 602
Box 296
Vanderwagen, New Mexico 87326
(505) 778-5531
1-800-748-2154
En quittant Zuñi, nous faisons un petit tour au dessus du pueblo, pour admirer la mesa sur laquelle le peuple zuñi vivait autrefois. Rose et verte, c’est une des plus belles qu’on puisse voir. Elle est sûrement sacrée, donc non photographiable. Nous volons quand même une image rapide, avec un sentiment mêlé d’illégitimité et de laïcité militante. Dans les pays musulmans, orthodoxes, catholiques il est facile de ne pas faire d’erreur : on ne photographie pas les temples, on n’y rentre pas si on ne sait pas comment s’y prendre. Ici, c’est la nature tout entière qui est le temple : est-ce à dire qu’elle nous devient étrangère et que le rapport que nous y avons, nous, est réputé inexistant ?
Derrière lui, au-dessus de la paroi en grès rouge de la mesa, un ciel de cirrus floconneux s’étendait vers le sud, dans la direction du Mexique. A l’ouest, au dessus du Désert Peint, les dernières lueurs du soleil couchant le teintaient de rouge. Au nord, le reflet de cette lumière colorait les falaises des Zuñi Buttes d’un rose délicat.De Zuñi, nous partons en début d’après-midi vers le sud-ouest pour rejoindre la 666, puis, vers le nord, Ganado. Nous prenons un vieil auto-stoppeur navajo. Il y a autant de rapport entre notre anglais et le sien qu’entre, disons, le breton et le hongrois. L’essentiel de ce qu’il nous dit, c’est : « I’m a Navaho ! » Et apparemment, c’est sa fierté et son honneur. Dès maintenant, je ne prononcerai plus que nava’o et non plus navaro, comme les Navajo eux-mêmes.
Le trajet qui séparait le bureau de Leaphorn, situé à Window Rock, de Lower Greasewood, l’emmena vers l’ouest à travers les forêts de pins ponderosa du plateau de Defiance, à travers les collines de pins pignons et de genévriers qui entourent Ganado, puis au sud-est dans le paysage des buissons de sauge qui descend vers le Désert Peint.Nous roulons vers Première, Seconde et Troisième Mesa, réserve hopi. Le paysage est monumental, moins sec que nous ne le pensions, mais néanmoins quasi désertique, hors la grande plaine qui est, elle, couverte de sauges ou d’armoises, d’herbes-qui-roulent et de maïs pueblo, c’est à dire cultivé par touffes.
My great corn plants,Nous escaladons Seconde Mesa par une route en lacets, à la recherche du Centre culturel hopi et du motel immortalisés dans Le vent sombre de Tony Hillerman. Nous en sommes éconduits sans civilité excessive : il faut avoir réservé, bien qu’il reste des chambres libres. Joies de la bureaucratie. Nous redescendons de la mesa. Le campground indiqué par la carte n’existe pas ou plus. Il n’y a que des champs de cailloux avec parfois quelques touffes de maïs irriguées on ne sait comment.
Among them I walk
I speak to them ;
They hold out their hands to me.
Il est 6:00 pm, pas un endroit où dormir à moins de 100 kilomètres. Nous faisons quelques courses dans un supermarché, le plein d’essence et postons quelques cartes, notamment de remerciement aux traducteurs de Tony Hillerman, grâce à qui nous avons eu accès à certains des romans qui nous ont entraînés dans ce voyage. Un dernier tour par Seconde Mesa pour jouir du fabuleux paysage qu’on découvre de là-haut. Dans un lacet, arrêt sur le bord de la route. Françoise descend faire une photo et se fait prendre à partie par un Hopi agressif qui arrête son pick up pour l’engueuler : elle n’a rien à faire là et moi non plus et tirez-vous. Il est vrai qu’il était marqué restricted area, ce qui signifie vitesse limitée en anglo-américain d’après mon Collins franco-anglais. Mais en hopi, ça veut dire quoi ? Echaudés, nous repartons vite, sans aller jusqu’en haut. En rejoignant la highway US40 nous trouverons sûrement des motels. Winslow se trouve à 60 miles au sud : un peu plus d’une heure de conduite sur une route parfaitement rectiligne, si ce n’est une légère courbe vers le trente cinquième mile. Françoise s’endort, épuisée par l’altercation avec le Hopi. Quant à moi, je conduis dans la nuit tombante, Archie Shep et Dollard Brand jouant Duet en sourdine, croisant parfois un pick up plein d’Indiens, faisant une course lente avec un orage qui glisse depuis l’est, à ma gauche, apparemment décidé à nous couper la route, mais qui finalement ne nous atteindra pas.
Arrivés sur l’US40, quelques kilomètres plus loin un motel Econo Lodge nous attend.
Il y a un motel dans le cœur de tout homme. Là où l’autoroute commence à dominer le paysage, par delà les limites d’une grande ville se répétant à l’infini, près d’un point important d’arrivée et de départ : voilà où il se trouve le plus vraisemblablement. Des cartes postales de lui-même à la réception. Cent chambres hermétiques. Les quatre saisons de l’année en bombes aérosols à l’intérieur du placard à pharmacie. Répété indéfiniment jusqu’à votre chambre, vous pouvez oublier facilement qui vous êtes, ici ; vous pouvez vous asseoir sur votre lit et devenir homme assis sur un lit, abstraction en concurrence avec l’infini même ; c’est dans ces endroits et ces moments-là que le chaos moderne se hausse au niveau des mathématiques pures. Malgré ses larges dimensions, le motel semble provisoire. Cette impression provient peut-être tout simplement de la certitude que personne n’y vit plus d’un jour ou deux à la fois. (…) Le motel semble construit exclusivement avec des carrelages de salle de bain. Les draps sont froids et presque humides. Il y a trop de cintres dans le placard, comme si la direction s’efforçait de compenser une insuffisance secrète, trop douloureuse pour être imaginée. De petites grilles encastrées dans le mur provient le souffle régulier et presque intolérable de la ventilation. (…) Il personnifie une répétition tellement insistante et irrésistible que, sinon la liberté, du moins la libération est possible, la délivrance ; submergé par le chaos, vous passez à des royaumes plus étroits, vous parvenez à des subtilités, à l’intégrité mathématique, et vous devenez si vous le voulez l’homme sur le lit de la chambre d’à côté. (…) Les hommes gardent ce motel au plus profond de leur cœur : c’est là que coule le rêve de la confluence du voyage et du sexe.Il n’y a plus de chambre à un lit, au diable l’avarice, nous prenons un double beds, no smoking, pour $40. Sur le mur de la réception, il y a deux horloges : l’heure de l’autoroute est celle du Pacifique, celle du motel est celle de la montagne, elles sont décalées d’une heure.
AARP & AAA Discount
Econo Lodge
I-40 at North Park Drive - Exit 253
Adjacent to K-Mart Shopping Center
Winslow, Arizona 86047
602-289-4687
For reservations : 800-55-ECONO
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