Leaphorn avait donc écouté patiemment les notions de base, surtout exposées par Davis, ayant trait à la façon dont la culture anasazi était apparue sur le plateau du Colorado, très certainement comme une suite logique à la présence de familles disséminées, composée de chasseurs et de ramasseurs de graines, qui habitaient des maisons souterraines, à la façon dont ils avaient appris à fabriquer des paniers, acquis les rudiments de l’agriculture puis su irriguer leurs récoltes en contrôlant le ruissellement des eaux de pluie et enfin, probablement au cours du processus de calfatage des paniers avec de la boue séchée à la flamme afin de les rendre étanches, appris à faire des poteries.Donc, le matin, visite pedestrian. Aimablement prévenu que les personnes souffrant d’insuffisance cardiaque ou respiratoire sont priées de s’abstenir, j’effectue le tour avec une lenteur qui inquiète peut-être Françoise mais qui me maintient en dessous de l’essoufflement que je redoute. Cela se passe bien et ira de mieux en mieux toute la journée. Laquelle est passée à errer de bistrots plus ou moins climatisés au musée (passionnant), à la librairie (au sens français), encore bistrot, puis laundry, où j’écris à l’instant. Quand le linge sera sec, retour au campement et soirée folie : un T-bone en BBQ avec une bouteille de vin de Californie au nom enchanteur : Vendange. Pour trouver du vin dans cette région, il faut non seulement que le magasin choisi en propose, ce qui est loin d’être toujours le cas, mais de plus il faut s’y trouver dans les créneaux horaires où la vente est autorisée et attester de sa majorité.
Tout à l’heure en venant au lavoir, trois ou quatre biches (mule deer) au bord de la route et un homme accompagné de deux petites filles avançait tout doucement dans les herbes. Quelle chance a-t-il ! En voyage on tend à s’oublier et pourtant, en arrière plan, derrière la conscience immédiate, ça continue à travailler. En pleurant j’ai eu l’impression de lâcher une part de l’oppression qui m’empêche de respirer depuis quelques jours. Agathe et Dorothée, ce n’est pas l’éloignement des vacances qui me brise le cœur : c’est le vent sombre qui parle de votre départ à Bordeaux. Je me sens obligé de faire bonne figure pour vous faciliter la vie (« Allez-y, ce sera super là-bas ! ») mais je le vis mal. Je vous aime et je dois faire un effort pour garder à la conscience l’idée que c’est vivant et en bonne santé que je vous suis le plus utile. Si voyage et révélation sont cousins, comme je le crois, c’est par rapport à la préservation de soi-même que je vais peut-être apprendre quelque chose.
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